À une cinquantaine de kilomètres de Lomé, le long des rives paisibles du lac Togo, se cache un lieu chargé d’histoire et d’émotion : la Maison des Esclaves d’Agbodrafo, ou Wood Home. Derrière sa façade ocre, patinée par le temps et les vents marins, se jouent encore les échos d’un passé douloureux, celui de la traite négrière. Construite en 1835 par le marchand écossais John Henry Wood, cette demeure coloniale est bien plus qu’un simple bâtiment : c’est un témoin vivant de l’injustice et de la résilience humaine, un pont entre mémoire et espoir, entre passé et présent.






L’histoire de la Maison des Esclaves s’enracine dans un contexte d’exil et de bouleversement. Après l’installation du chef Assiakoley et de sa communauté à Agbodrafo – anciennement Porto Seguro, un port très fréquenté par les négriers portugais –, la région devient un point stratégique du commerce d’esclaves entre le XVIIᵉ et le XIXᵉ siècle. Malgré l’abolition officielle par la Grande‑Bretagne en 1807, le trafic perdure. John Henry Wood construit alors cette maison à l’architecture afro‑brésilienne, avec six chambres et un grand salon réservé aux négociants.






Mais le véritable secret du lieu se trouve sous ses planchers : une cave étroite et sombre, longue de plus de vingt mètres, surnommée le « puits des enchaînés ». C’est là que des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants attendaient, parfois des semaines, leur embarquement vers l’Amérique. L’humidité et l’obscurité de ce lieu, aujourd’hui silencieux, témoignent encore de l’horreur de cette période.
L’esclavage prend officiellement fin dans la région le 27 janvier 1852, lorsque l’émissaire de la reine Victoria remet solennellement au roi local une canne symbolisant l’abolition. Après cela, la maison est abandonnée, occupée par les descendants d’Assiakoley, puis redécouverte des décennies plus tard. Grâce au soutien de l’UNESCO et du Ministère du Tourisme, elle renaît aujourd’hui en musée‑mémorial et figure depuis 2002 sur la liste indicative du Patrimoine mondial du Togo. Elle rejoint ainsi la Route des Esclaves, reliant des sites historiques emblématiques du continent, de Gorée au Sénégal à Elmina au Ghana.






Dès l’entrée, le visiteur est frappé par le manguier sacré, sous lequel les captifs subissaient le « bain rituel » avant l’exil. À l’intérieur, une trappe discrète mène à la cave où l’air rare et le silence pesant font ressentir, presque physiquement, l’angoisse des captifs. Chaque recoin, chaque mur, raconte une histoire : douleur, peur, mais aussi courage et dignité. Les guides locaux partagent anecdotes et récits, donnant vie à ce passé pour que la mémoire ne s’éteigne jamais.






Aujourd’hui, la Maison des Esclaves propose plus qu’une simple visite : des ateliers éducatifs, des expositions multimédias et même des visites en réalité augmentée permettent aux touristes et aux jeunes générations de comprendre et de ressentir l’histoire, tout en valorisant la résilience du peuple togolais.
Après la visite, le voyage continue. Une promenade en pirogue sur le lac Togo jusqu’à Togoville, berceau du vodoun au Togo, offre un moment de sérénité après l’émotion du musée. Pour ceux qui préfèrent le rythme de la nature, une balade à vélo à travers la région révèle des paysages entre mer, lac et forêt, offrant un panorama apaisant et contrasté. À proximité, la ville historique d’Aného, ancienne capitale coloniale, complète cette immersion entre histoire et culture.





La Maison des Esclaves d’Agbodrafo n’est pas un simple site touristique : c’est un lieu de réflexion et de transmission. Elle transforme le souvenir d’un passé douloureux en une leçon universelle sur la dignité, la résistance et la mémoire collective. Chaque visiteur repart transformé, conscient de l’importance de préserver l’histoire tout en construisant un futur plus juste et inclusif.






Infos pratiques :
À seulement 50 km de Lomé, comptez environ une heure de trajet en taxi ou voiture. L’entrée coûte 2 000 FCFA, avec visite guidée incluse (~1h). Les visiteurs peuvent prolonger l’expérience par une balade en pirogue sur le lac Togo ou par une excursion à Aného. Pour les amateurs de nature, une promenade à vélo dans la région offre un panorama apaisant entre mer, lac et forêt.




